mercredi 27 décembre 2017

Mon voyage au Chili

De tous les voyages que j'ai entrepris, c'est sûrement le Chili qui m'a laissé les plus belles images d'une nature vierge ou presque de la présence de l'homme. C'est surtout arrivée dans le désert que j'ai ressenti combien l'homme était petit, voire minuscule face à l'immensité des lieux. On avait hâte de rencontrer les indigènes, qui ne sont plus très nombreux, et les lamas, les vigognes, les alpagas, mais on ne mesurait pas à quel point cela se méritait.
Après avoir volé au ras de la Cordillère des Andes depuis Santiago, ce qui n'était pas forcément très zen, nous fûmes heureux de voir notre guide et son chauffeur nous attendre à Arrica, à la limite du Pérou. Là, il ne pleut jamais, et le ciel est tellement bleu qu’on pourrait perdre la vue à le regarder, car la couche d'ozone malheureusement a disparu. Au fur et à mesure que le 4x4 progressait, on sentait l'air se raréfier, mais le babillage de notre guide en espagnol le faisait oublier. 
C'est à Putre que ça a commencé. Les granulés de coca et les tisanes du même nom auraient dû pourtant nous aider. On a voulu prendre nos bagages et grimper alertement vers notre chambre, mais heureusement que le lit nous a accueilli plus vite qu'il n'aurait dû... car l’altitude nous ennivrait et nous nous sommes écroulés.
Etape par étape, après plusieurs jours, on a finalement atteint le lac Chungara sous le volcan de Parinacota (environ 4000m).
Là encore, on s’est cru fort en entamant une petite marche, qui en d’autres endroits eût été anodine. Mais très vite l’air nous manquait, la nausée montait, et malgré le paysage sensationnel qui s’offrait à nous, avec le reflet de ce volcan immaculé dans les eaux où évoluait la spiruline, cette plante qui calme la faim et donne des forces, nous n'avions qu’une hâte : redescendre de quelques centaines de mètres pour retrouver les nôtres.
Sylvie

mardi 26 décembre 2017

Elle n'aime pas les dimanches...

On est dimanche, midi trente. Jeanne a le ventre noué en entrant dans la cour de la ferme. Le chien attaché à sa corde aboie furieusement comme si elle était une étrangère, quel idiot, elle est née ici. Il est censé la reconnaître, non ?

Le père est là, dans le parterre de l'entrée, encore en bottes de caoutchouc ; est elle arrivée trop tôt... Elle entend pourtant la mère s'activant dans la cuisine et sa soeur Elise disputant Zoé sa benjamine dans le couloir. La gamine pousse des cris stridents.

Le père lui a fait un signe furtif de la tête, il ne l'embrasse pas, embrasse très rarement, parle peu, c'est un taiseux. Jeanne s'en est toujours accommodé, c'est ainsi.

Julien son mari arrivera après l'apéritif, il entraîne des jeunes au foot. Les deux autres frangines sont là, maintenant, et c'est une véritable volière dans la pièce principale. Ce bruit agace le père, elles le savent. Quatre filles c'est trop, il attendait tellement un fils, un mâle qui reprendrait la ferme, le secondant dans ses vieux jours. Que des fendues dans cette famille, vitupère-t-il quand il s'énerve.

Dans peu de temps, tous seront réunis autour de cette grande table en bois striée de coups de couteau, assis inconfortablement sur des bancs du même bois. Ce mobilier rustique résiste depuis trois générations - c'est dire s'il date !

Après le vin cuit un peu aigre de l'apéro viendra la quiche au lard, le lapin tué hier et la tarte aux prunes, c'est la saison. Tout vient de la ferme et il faut bien le reconnaître, c'est très bon et l'on se régale. La mère mange presque debout, entre ses allées et venues à la cuisine, très peu de temps pour se poser. Les filles veulent aider en vain, la cuisine c'est son domaine. Jeanne arrivera tout juste à laver la vaisselle.

Les soeurs parlent entre elles de la semaine écoulée, rien de nouveau, tout est routine, convenu, banal. Les cousines sont très sages, le papé n'aime guère les débordements à table. Ses filles n'ont engendré que des filles, qu'a-t-il fait au bon dieu, même s'il n'y croit pas, pour mériter cette injustice ? Alors les pisseuses comme il les appelle doivent rester calmes au moins pendant le repas. Après elles pourront aller jouer dans la cour, ça, oui, ne le dérangera pas, il ira faire la sieste.

Bien sûr il y a des mâles dans cette maison, les gendres - mais il n'échange guère non plus avec eux, ni la politique, ni le sport, ni du boulot, ni de... ni de rien en fait. Ce sont des garçons de la ville, ne connaissent pas beaucoup la vie de la campagne, le monde paysan. Ses filles aussi, élevées ici, sont devenues des citadines. Jeanne est postière, les deux autres bossent à l'hôpital et la dernière Elise s'occupe de ses trois filles.

Dans ce rendez-vous dominical ne pas oublier la mémé, assise dans son fauteuil près de la cheminée, enveloppée dans son châle. La mémé... A l'instar de son fils, ne parle plus beaucoup, un certain Aloïs  a envahi sa pauvre tête. La mémé qui mélange tous les prénoms de ces petites femelles. Jeanne est la seule à venir à ses genoux lui caresser ses vieilles mains encore très douces, la seule a essayer de capter de belles lueurs anciennes encore dans son regard.

Il est 17h30, la vaisselle est terminée; Père a fini sa sieste, la mère prépare pour chaque couple les restes du repas dans du papier au, elle fait toujours un peu trop. Les cousines sont revenues de leur balançoire, un peu excitées par leurs acrobaties dans l'herbe.

Surtout Zoé, la dernière d'Elise, cette petite fille pas tout à fait comme les autres qui rit aussi fort qu'elle pleure, qui écrase les escargots pour les donner à manger au chien et aux poules, qui fait pipi debout dans la case ciel, là tout en haut de la marelle. Elle compte aussi les étoiles sur ses dix doigts, triste soudain de n'en avoir pas assez pour le bon compte.
Zoé s'accrochant aux jambes de sa mère comme un petit koala.
Zoé qui a une annonce à faire.
Zoé embrassant le ventre d'Elise : il y a un bébé là-dedans 

Le quatrième enfant sera un garçon, le père ne sera plus là, mort avant la mémé d'une crise cardiaque, foudroyé, les genoux dans la terre, le nez dans sa brouette.
Mathurine

mercredi 6 décembre 2017

D'ici et d'ailleurs

Dès l’instant où j'entre dans cette maison, je me sens déjà à l’aise.
Je ne suis qu’à l’entrée du couloir que je peux apercevoir les rayons du soleil l’éclairer.

Certes, c’est un petit couloir, mais qui est très fonctionnel, de par sa penderie qui se situe sur la droite. Je peux y ranger mes manteaux et mettre mes chaussures sur les étagères en dessous.

Et quand je lève la tête, mes yeux s’arrêtent sur ce magnifique tableau de San Francisco. Ce qui me rappelle les vacances passées avec mes parents et mon frère là-bas.

Dire que cela remonte à une vingtaine d’années... Que le temps passe vite !

C’était vraiment super : non seulement j’avais la chance de faire ce voyage, mais en plus j’allais rejoindre une partie de la famille qui vivait au Etats-Unis. Cette famille que je ne connaissais pas vraiment et que jusqu’alors je n'avais fait qu’entendre au téléphone à l’occasion des fêtes de fin d’année... Bref, que de bons souvenirs mais avec un brin de nostalgie.
Christelle

lundi 4 décembre 2017

6 rue Cortot

10 heures ce matin de mai  
6 rue Cortot, Montmartre 

Belle lumière bleutée à travers la grande verrière.
Suzanne dans sa baignoire sabot rêve des heures à venir, le bruit de l'eau chaude coulant des robinets de laiton la plonge dans une molle torpeur. C'est un moment délicieux.
L'instant ou l'on monte l'escalier serait paraît-il le meilleur moment de l'amour, Suzanne c'est dans son bain que le film commence.
Elle l'attend alanguie, déjà offerte.
Sur la table de toilette en marbre rose, onguents et parfums pour se faire la plus désirable.
Tout à l'heure, dans la chambre sous les poutres de bois verni derrière ce paravent de satin mordoré, elle se vêtira de sa plus belle robe.
Celui qui vient tout à l'heure n'est pas un inconnu, et cette alcôve est son antre, sa douce félicité, son havre de plénitude.
Elle est prête à présent, ne peut s'empêcher d'arpenter d'un pas léger presque dansant son atelier.

Troublants, tous ces tableaux qui la regardent ; ses modèles sont souvent des femmes aux formes voluptueuses, quelques danseuses du Moulin Rouge ; la Goulue sur cette grande toile, la jupe relevée sur des jambes parfaites gainées de bas résille, semble la défier de son air gouailleur.
Toutes ces peintures respirent la joie, le plaisir et la fête.
Le bonheur est toujours là lorsqu'elle traverse cette grande salle plein ciel ou les couleurs se mélangent avec tant d'harmonie.
Suzanne ici s'exprime, crée, peint. Là est sa vie, sa vraie vie.

Sur un chevalet, à l'angle de la pièce, le visage grandeur nature de son amant où elle a su capter, dans l'éclat de ses yeux, la musique de son âme. 
La voilà à présent dans l'immense pièce principale avec son coin sofa aux douces couvertures, dentelles et coussins brodés, ici et là petites consoles basses pour la collation, le thé.
Au beau milieu, un gros poêle à bois ronronne comme un gros chat.Tout est feutré et doux.
Suzanne s'endormirait presque.
En déshabillé de soie mauve, petites mules à pompons roses, foulard en turban dans ses longs cheveux roux, elle irradie, belle comme une odalisque.

Erik ne va plus tarder : où feront ils l'amour ? Sur ce sofa même, dans la chambre plus douillette, l'atelier il aime bien aussi...
Fou d'elle, il l'appellera ma BIQUI .

L'histoire de Suzanne Valadon et d'Erik Satie ne durera que cinq mois.
Il restera inconsolable et composera pour elle ses danses gothiques.
Mathurine 

dimanche 3 décembre 2017

Ma maison

On entre par la salle commune où tout est blanc - ou presque : les meubles, la  pierre du four à pain, la chaux sur les murs, etc. C'est ce que j'appelle la philosophie de l'ameublement,  pour réunir la famille en un lieu neutre et authentique et s'aider à temporiser sur bien des sujets.
En contigu et dans un espace ouvert, se trouve le coin cuisine. De couleur vert et bleu il invite aux voyages... culinaires. J' y use de certains subterfuges pour pouvoir stocker les produits que je confectionne  autant que pour réunir thés et infusions dans des boites de ma création.
Mais revenons un peu sur nos pas, car ma maison comprend cinq demi étages ; alors nous pourrions nous égarer en descendant dans la cave voutée du XVIème siècle, mais vous seriez déçus d'y voir ce que vous y trouveriez. Pas de bons vins en tout cas!
Je préfère vous ramener vers les étages et s'arrêter sur un palier pour monter ensuite sur une mezzanine d'ou je peux épier mes voisins grâce à  la fenêtre en haut du salon. D'ici je peux encore surveiller qui descend ou monte vers les chambres de l'autre côté!
Ce salon que j'allais oublier n'est pas la maison de Dieu, mais il possède un toit cathédrale. C'est pour cela que depuis la chambre au dessus, je jouis de la richesse du panorama qui se trouve en dessous; ce n'est pas tant le tapis de Chine, que m'a légué ma mère, mais les objets qui me la rappellent qui valent de l'or à mes yeux. Le feu qui crépite également dans la vaste cheminée réchauffe mon coeur à cette pensée.
A l'étage, bien entendu, j'adore aussi  me prélasser dans une baignoire d'eau chaude et d'essences florales, tout en méditant en regardant le jardin paysagé de mon autre voisine. En effet, la maison est en mitoyenneté : le jeu du hasard de cette ancienne construction fait que lorsque je prends mon bain, j'ai le nez au niveau de la fenêtre. Tout l'art constitue donc à profiter du paysage sans être vue.
Je ne vous ferai pas visiter la chambre de mon fils, qui n'a rien d'austère et n'a d'intérêt que son capharnaum, du moins pour lui. Et pour finir, la chambre parentale ou trône une armoire familiale. Je ne devrais pas la garder là, car l'espace de ce fait s'en trouve restreint : il y a déjà bien d'autres rangements ! mais elle appartenait à ma grand-mère et je rêve de la relooker un jour.
Enfin, vous l'aurez compris j'espère, ma maison est à mon image : nostalgique, ouverte sur le monde et imprégnée d'histoire.
Sylvie

samedi 2 décembre 2017

Dans la maison...

On a travaillé sur le chez-soi, le home sweet home, les maisons passées, présentes, rêvées, imaginaires... On s'est aidé de Georges Pérec (Les Choses, 1965), Thomas Clerc (Intérieur, 2013), on a évoqué Robbe-Grillet et Marienbad, Xavier de Maistre dans sa cellule...

La qualité des textes produits et l'incroyable profusion des temps utilisés, du présent au plus-que-parfait en passant par le futur, antérieur ou pas, et le conditionnel, m'a fait penser au principe d'incertitude d'Heisenberg :

Il semble en effet que le fait de se placer dans un espace extrêmement bien défini, délimité, invariant (en l'occurence une maison), donne aux écrivains une très belle liberté dans leur rapport au temps, à la "quantité de mouvement" des protagonistes et du narrateur...
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