mardi 12 juin 2018

RPA

Un appel à textes à été lancé auprès des participant(e)s aux ateliers d'écriture de la bibliothèque de Senlis aguerri(e)s à l'écriture théâtrale, afin d'écrire quelques saynètes à destination des résident(e)s de la Résidence pour Personnes Agées Thomas Couture de Senlis.

Remise des textes, date limite le 15 juin. Pour l'heure, 3 textes ont été reçus. Merci à tou(te)s ! Vos textes seront transmis le 15 juin à la RPA, et la ou les saynètes choisies seront jouées l'année prochaine.

lundi 4 juin 2018

Ecrire au musée

Merci au Musée d'Art et d'Archéologie de la Ville de Senlis qui nous a reçus, ce 26 mai, pour écrire à partir des oeuvres exposées !

A toi, ma Sulbanecte, qui est venue me voir pour que je sculpte ton beau visage auréolé d’une divine chevelure dorée.
J’ai eu beaucoup de mal et de travail, tu sais, à marteler la pierre récupérée dans les carrières avoisinantes. Il fallut d’abord en limiter les contours pour donner de l’importance à ces boucles torsadées qui encadraient tes jolis yeux en amande…
Je me suis souvent demandé ce que tu venais chercher dans ce temple perdu au beau milieu de la forêt d’Halatte.
Tout semblait pourtant te réussir.
J’aurais pu me souvenir de l’an passé ; ce sont tes seins que j’ai modelés, afin que tes prières empêchent l’abcès qui rongeait l’un d’eux, à évoluer, une fois mon œuvre déposée là-bas ! Mais cette fois, alors que tu n’exigeais aucun artifice, je n’aurais pu imaginer que tu souhaitais tout simplement remercier les dieux de t’avoir permis de rencontrer le bel empereur Claude, lors de son passage sur nos terres, pour aller conquérir l’Angleterre !
Tu en étais éperdument amoureuse, mais hélas aucun ex voto ne permettra jamais que vous vous aimiez un jour...
Sylvie

A la suite d’un vœu

Elle fouillait déjà quelques heures, minutieusement, suivant les consignes de l’archéologue. 

Il faisait lourd et la tâche devenait pénible. A l’aide de ses outils, elle balayait, creusait et remuait une superficie d’environ un mètre carré. Pendant la journée, aucun objet n’avait été répertorié. Pourtant, on insistait. Elle ne se lassait pas. L’équipe avait déjà trouvé des ex-votos sur le site, et l’idée que quelqu’un, il y a presque mille ans, avait pu croire à une guérison en faisant des offrandes à un dieu quelconque l’amusait, puisqu’elle était une non-croyante radicale.

L’équipe du site se rencontrait tous les week-ends. Elle participait aux fouilles pour remplir ses fins de semaine - fins de semaine un peu fades : elle ne connaissait encore personne - il faut dire qu'elle venait d’arriver au village.

Sa vie d’avant était plus remplie. Des amis, des petits-amis, des sorties en groupe ou toute seule. Il fallait bouger, faire semblant que le temps qui passait laissait derrière lui un sillon de jouissance. 
Elle pensait à tout cela en creusant, elle cherchait dans sa nouvelle vie quelque chose de valable, quelque chose pour se battre, pour sortir de ce néant qui était devenu son existence. 

Elle cherchait, et à ce moment-là, un petit-quelque chose a pointé. Elle balayait plus vite avec son outil, l’objet se montrait à elle au fur et à mesure de ses efforts. Et en le voyant dégagé de la terre qui le cachait, un sourire aux lèvres, elle a appelé l’archéologue et ses assistants.
Lucia

SEANCE DE POSE
Souvent, lors de visites de musée, je me suis interrogée sur les pensées de personnes peintes pendant des séances de pose.
Devant ton portrait peint à la fin du 19èmesiècle, cette même question est revenue.
Jeune Italienne, Thomas Couture
Anna, j’ai envie de t’appeler ainsi, je vois ton regard porté sur un élément ou une scène hors du tableau, sans gaieté, sans frayeur mais intense. De nos jours, une photo saisirait cet instant. Mais en 1877, Thomas Couture t’a demandé de poser et pour peindre ce regard, a prévu une situation qui devait le retenir un certain temps. Et là, je pense aux séances de pose. Combien de temps as-tu passé assise dans cette position ? Qu’est-ce qui a retenu ton attention ?
Récemment, j’ai vu une exposition de tableaux de David Hockney, représentant 82 personnes peintes en trois jours chacune. L’une d’elle, conservatrice du musée, évoquait le déroulement de ces quelques heures. Elle choisissait son attitude et son expression. Anna, as-tu eu le choix ? Je me permets d’en douter. Mais tes yeux n’en sont pas moins d’une force qui frappe le visiteur.
Et parce que je pense aux modèles du peintre californien, provenant de sa sphère privée, amis, famille, relations professionnelles, employés et surtout volontaires, comment as-tu été choisie ? T’avait-il rencontrée lors d’un voyage en Italie, avait-il procédé à un casting comme on dit de nos jours ?
C’est ainsi que me reviennent les commentaires de David Hockney sur le décor. Un fond bleu décliné en 2 tons, alternant l’un ou l’autre selon la tenue vestimentaire choisie par le modèle, mais toujours sur une chaise jaune. Des couleurs vives ou sombres qui reflétaient la personnalité du sujet. Toi, Anna, c’est ton visage qui est l’élément fort du portrait, une robe et une coiffe blanches et grises typiques de ton pays, l’Italie, mais que rehausse un collier rouge apportant la lumière au tableau.
Enfin, je repense au témoignage de David Hockney. Il voulait offrir à ces modèles l’occasion d’être observés pendant ces 20 heures de peinture ce que le rythme de leur vie actuel ne leur permettait pas.
Et toi, Anna, cela te faisait-il plaisir d’être l’objet d’une pareille attention ?
Malheureusement, mes questions restent sans réponse et je ne peux que faire appel à mon imagination.
Catherine