D'abord, un vacarme épouvantable : les
énormes gouttes de pluie tropicale tapent en staccato serré sur le toit de tôle
de la maison, rebondissent, s'écrasent, glissent le long des rainures
métalliques, et finissent par former un rideau liquide et néanmoins compact
devant mes fenêtres grillagées dépourvues de vitres : il n'y a pas le moindre
écran entre moi et les bruits de l'Afrique, là-dehors.
La pluie épaisse joue sa partition
sauvage, tambourine sur la tôle avec une violence toute équatoriale, de celle
qui fait résonner les tams-tams au fond de la savane, violence du soleil blanc
et brûlant, violence du courant fou des rapides du fleuve qui vont se briser
là-bas, dans une chute vertigineuse, toute cette violence est là, au-dessus de
ma tête. Elle résonne dans ma gorge, elle bat tout au fond de mon cœur.
L'eau s'écrase avec un bruit mat dans
la terre rouge et verte du jardin, puis disparaît. Par endroits, elle reste
au-dessus, forme une flaque jaune sale où les gouttes créent des cercles qui
grossissent, s'entrecroisent, se propagent, s'absorbent les uns les autres.
Aussi brusquement qu'elle a commencé,
la pluie s'arrête, d'un seul coup : le silence se pose partout, un silence
vaguement angoissant, comme après une catastrophe. Les battements dans mon
corps se calment doucement, laissant s'installer le silence là aussi.
Alors, de la terre chaude et meurtrie,
monte à mes narines une odeur de mangues pourries, d'herbe humide toute
fumante, de tôle rouillée, et par-dessus tout ça, le parfum entêtant des fleurs
du frangipanier qui ombre la terrasse, où se mêlent l'humus lourd et collant
des tropiques avec la délicatesse et la légèreté du vol du colibri devant la
gracieuse étoile jaune et blanche.
Anne Girard
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