jeudi 23 mars 2017
Save the date !
Samedi 24 juin après-midi, les participants aux ateliers d'écriture de la bibliothèque donneront lecture d'un des textes qu'ils auront écrits cette année. L'occasion de se rencontrer, d'entendre, d'en savoir plus. Entrée libre.
mardi 21 mars 2017
L'absente
C’est une photo comme hors du temps. Elle dépasse d’un livre
dans la bibliothèque. L’y avais-tu laissée par inadvertance ? Volonté de
me blesser ?
N’empêche : quelqu’un d’autre la regarderait, il ne saurait
dire qui tu es. Tes vêtements sans âge, ton allure neutre, même le paysage qui
t’entoure semble vouloir se cacher. Un bord de mer, le clapotis des vagues, une
mouette qui ne te craint pas. Toute proche et qui s’éloigne pourtant. Comme toi
qui es loin déjà, tournant le dos à notre vie. Tu le sais sans doute. Moi pas
encore.
Je reconnais la patte de Paul qui aimait tant ces clichés
d’instants volés. Parfois les dimanches, on les mélangeait sur la table basse
devant la cheminée. Nos verres y marquant des auréoles. Tu pointais une des
photos au hasard. Lui prenait l’air mystérieux. Et moi, je devais deviner où
vous étiez, quel âge vous aviez… Déjà moi, toujours moi à la question ! Et
je craignais de me tromper, de voir tes yeux foncés se froncer.
Si j’avais dû vous répondre pour celle-ci, je me serais
raccroché à la valise que tu tiens négligemment, à la douce lumière qui fait
briller tes cheveux auburn et à la brise qui les soulève. C’est sûrement le
printemps, des vacances à Pâques ? Ta valise est légère, le ciel clair.
Mais aujourd’hui tout me taraude ! Que
regardes-tu ? A qui penses-tu ? A quoi ? Aux voyages que nous
avions faits ? A ceux que nous nous étions promis de faire, avant d’y
renoncer ? Ou bien ton esprit vogue-t-il vers cet ailleurs où je n’aurai
pas ma place ?
N’empêche quelqu’un d’autre te regarderait, il ne
remarquerait pas que tes mains sont crispées comme quand tu as froid ; que
tout ton corps dit que tu hésites encore, quand tes pieds eux, ainsi
positionnés, montrent que tu t’es arrêtée pour réfléchir. Moi je le sais. Et
même je devine que tu t’apprêtes à te tourner vers Paul, à hausser les épaules,
à lui jeter : « Vite, vite ! Le bateau (ou l’avion), le
taxi (ou le car), n’attendra pas ! Allons-y ! » Il aura alors
rangé son appareil, t’aura aidée à porter ta valise. A sortir de ma vie.
C’est une banale photo hors du temps qui me fout le cafard.
Soudain je hais les plages. J’aimerais tant te haïr toi. J’ai juste envie de
chialer ! Oui, même banale, une photo te balance à la gueule l’instant qui
n’est plus, ne sera jamais plus, le possible disparu. Elle te ravage la mémoire
avec la vision d’un amour perdu.
Je remets la photo dans le livre. Je la replace bien droite
pour qu’elle ne dépasse plus. Je tourne le dos à la bibliothèque. Comme toi sur
cette plage.
Inès-Marie Ambre
samedi 18 mars 2017
Les visages et les corps, reconstitution
Une jolie chevelure rousse qui accroche l'oeil.
Une épaule qui nous parle d'elle.
Un simple drap virevoltant la recouvre, pour nous donner l'illusion d'une photo instantanée, un jour de grand vent.
Elle donne l'impression de s'envoler.
La belle coiffure, en partie défaite, laisse échapper de longues mèches.
Le vent, de ses grosses mains invisibles, la soulève.
Elle nous tournait le dos et maintenant, sur la pointe des pieds, elle essaye de s'accrocher à notre regard...
Mais l'Artiste n'aime pas les « face à face », les « yeux dans les yeux ». Il a peur du regard des femmes. Ces regards qui lisent des choses que vous ne voulez pas partager.
Mais il les aime, ces femmes ! Ou plutôt leurs corps, leurs chevelures...
Il enlève les petites imperfections de la peau, les petits défauts, les petites anomalies. Il les rend lisses comme des poupées parfaites.
Il embellit ces femmes de belles coiffures sophistiquées, ornées de bijoux ou de fleurs, avec toujours le souci de mettre en valeur quelques mèches sous forme de volutes.
Il montre les possibilités ou les impossibilités des cambrures anatomiques de la femme.
Il aime donner l'illusion de la légèreté et de la douceur, par des courbures impossibles du corps.
Il montre assez de chair pour ne pas être indécent mais il l'est. Dans son obsession, dans la maîtrise de son sujet.
Son modèle, en équilibre sur la pointe des pieds, se tient d'une main contre le mur du fond.
Ses membres, raidis par le froid, douloureux par les heures de poses interminables.
Elle ne connaissait pas d'artiste aussi exigeant, à la limite de la torture - mais il paye bien...
Sa beauté la fait connaître dans le « Tout-Paris » de la nuit et des plaisirs.
Elle était choyée par ses admirateurs mais lui l'a découverte !
Sa beauté l'a envoûté et il ne voulait qu'elle !
Pour l'immortaliser, il l'a peinte. Jusqu'à la fin de sa vie.
Cathy Jaspart
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