A
notre première rencontre, je n’avais que quatorze ans ; quand toi, le bois
de ton plateau comptait déjà bien des années. Je me suis usée devant toi, je
t’ai polie, marquée de brûlures aussi. J’ai appuyé contre toi mes reins
douloureux, me suis heurtée à toi. Mon ventre épanoui par les grossesses a
maudit la dureté de ton rebord. Et j’ai appuyé bien souvent mes bras raidis et
douloureux sur l’ébène de tes veines.
Oui,
nous en aurons passé des heures dans ce face à face rythmé par le son du fer
que je repose sur toi. Clac, tac ! Comme un cœur régulier, comme mon cœur
parfois malmené. Je t’ai parlé, détestée aussi et nos destins se sont unis.
Des heures, des années de labeur.
Dans la lumière douce des hautes fenêtres de la lingerie, baignant dans la
chaleur immuable du poêle. Cernées toutes deux de paniers en osier débordants.
Nos pieds ensemble ancrés dans le parquet.
Des
heures, une vie, quarante ans et cette dernière journée. Je ne quitte pas ce
soir une simple table à repasser. J’ai le sentiment de laisser une amie, un peu
vacharde, mais de toute une vie.
Inès-Marie
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