jeudi 26 octobre 2017

Mon dernier jour près de toi

Tu es ma compagne de tant d’années. Tu m’as vue grandir, vieillir …

A notre première rencontre, je n’avais que quatorze ans ; quand toi, le bois de ton plateau comptait déjà bien des années. Je me suis usée devant toi, je t’ai polie, marquée de brûlures aussi. J’ai appuyé contre toi mes reins douloureux, me suis heurtée à toi. Mon ventre épanoui par les grossesses a maudit la dureté de ton rebord. Et j’ai appuyé bien souvent mes bras raidis et douloureux sur l’ébène de tes veines.

Oui, nous en aurons passé des heures dans ce face à face rythmé par le son du fer que je repose sur toi. Clac, tac ! Comme un cœur régulier, comme mon cœur parfois malmené. Je t’ai parlé, détestée aussi et nos destins se sont unis.

Des heures, des années de labeur. Dans la lumière douce des hautes fenêtres de la lingerie, baignant dans la chaleur immuable du poêle. Cernées toutes deux de paniers en osier débordants. Nos pieds ensemble ancrés dans le parquet.

Des heures, une vie, quarante ans et cette dernière journée. Je ne quitte pas ce soir une simple table à repasser. J’ai le sentiment de laisser une amie, un peu vacharde, mais de toute une vie.


Inès-Marie

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