lundi 6 juin 2016

Le colporteur / le clochard

Je suis né en 1830, moi, le colporteur, nul ne connaît mon nom, je n'en ai peut-être jamais eu.
Mes parents vivaient auprès des rats et des détritus, pauvres gens, pauvre vie.
La chaleur, la puanteur, la misère étaient notre lot. Notre nourriture se composait de ce que nous arrivions à chaparder sans nous faire prendre. Quelquefois, un petit vendeur au grand cœur nous offrait de quoi ne pas mourir de faim.
C'est ainsi que j'ai grandi, pouilleux mais débrouillard.

Maintenant, seul, mon panier sous le bras, je vends ce que j'ai acheté aux maraîchers le matin.
Je marche sur les pavés de Paris, mon chez-moi.
Je suis connu, on m'appelle : « Hé, colporteur ! Qu'as-tu dans ton panier qui pourrait faire mon affaire ? Surtout ne me vole pas ! Je connais les prix ! »
Bien sûr, je les vole, c'est mon métier ; souvent, je ramasse des légumes un peu défraîchis… Et alors !!!

En fin de journée, bien fatigué, lorsque les bruits de la ville deviennent moins forts, soyeux, si j'ai eu  la chance de ramasser un mégot de riche dans le caniveau, je me roule une cigarette.
Et ça, vous pouvez me croire, c'est le bonheur.
Mon bonheur à moi, pauvre colporteur.


Le colporteur, Danièle Bellanger

La pluie tombait dru, froide sur l'homme inconscient des gouttes s'insinuant dans son dos.
Le visage ruisselant, les épaules voûtées semblant lutter contre le vent.
Il était, seul, ignoré, oublié du monde. Sa vie à lui, c'est la rue, la cavale, la peur.  Bien sûr il a commis des erreurs, impossible de revenir en arrière, trop tard il le sait bien ...
S'il pouvait tout reprendre? Sa maison, son travail insipide mais qui faisait de lui un homme. Et surtout les siens, qu'il aime tant - ce qu'ils lui manquent ! Pourquoi l'ont il abandonné ?
Il a fait des bêtises, des grosses, de celles qui gâchent une vie, dont ont ne sort pas indemne. Maintenant sous la pluie, il tremble de froid, de peine, de dégoût de lui-même, des autres. Il a faim, il a soif, même le mauvais vin acheté chez l'épicier n'arrive pas à l'enivrer pour lui faire oublier qu'il est seul. Ce soir il dormira dans un coin de rue, qu'importe l'endroit, couché par terre.
Les passants l'ignoreront, ne le verront même pas.
Et la pluie continuera de tomber.

Le clochard, Danièle Bellanger 

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